Michèle SCHARAPAN, pianiste, nous parle sur son blog Florianelia de sa conception de l'art et de la tromperie qu'est la corrida art.
Article publié sur la REVUE DE DROIT ANIMALIER et reproduit intégralement sur :
Les propos de Michèle sont recueillis par Florence BURGAT
Extraits :
RSDA: Si selon vous la corrida ne peut relever de l’art, à quoi l’apparenteriez-vous?
Michèle Scharapan : À première vue, je dirais que la corrida s’apparente au sacrifice. Le sacrifice a besoin d’une victime, mais surtout d’une communauté qui assiste au sacrifice, y consent, et se sent fortifiée dans son lien par ce sacrifice. J’ajouterais que le sacrifice, par-delà les multiples formes et fonctions qu’il peut prendre dans les sociétés, est un acte gratuit, au sens trivial du terme: il est destiné à plaire à Dieu ou au Diable (je songe aux messes sataniques), et non à alimenter un commerce. La corrida me semble à tous égards être un avatar du sacrifice; non que je fasse l’éloge du sacrifice, mais il me semble important de prendre en compte le caractère lucratif de la corrida. Elle rapporte de l’argent: spectacle payant, salaire des toréadors, marché de l’élevage et de la viande de taureau. Parler de sacrifice n’est donc possible qu’en un sens très restreint : celui de la mise en scène de la mise à mort et du caractère individualisé de la victime. Finalement, elle rappelle tout à fait les combats de gladiateurs, les jeux du cirque. Ne rangeons pas la corrida dans la mauvaise catégorie. En faire de l’art est une imposture.
RSDA : Les aficionados évoquent volontiers une «sublimation de la mort». Faut-il comprendre que c’est la mort du taureau qui est sublimée dans la corrida ou bien le rapport de l’homme à sa propre mort?
Michèle Scharapan : Je ne vois pas comment on peut sublimer le rapport qu’on a à sa propre mort en tuant un autre que soi. La chose pour moi absolument dominante dans la corrida consiste dans la réalité de ce qui s’y déroule: un homme torture — je parle de torture parce que les blessures sont nombreuses et de plus en plus profondes — et jouit de cette torture. Cet état de fait — ce que subissent réellement les animaux — me semble impossible à dépasser ou à nier dans un discours. La seule possibilité à mes yeux de sublimer la mort pour en faire un geste artistique serait ou est de donner sa propre mort en spectacle.
Michèle Scharapan
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