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LA NUIT DE LA VIE

 

Je m’en vais,

Truffe baissée,

Désespéré,

Seul comme un chien,

Dans la nuit de la vie.

Mon maître, après m’avoir martyrisé,

Lâchement m’a abandonné.

Pourquoi ?

Je l’ai protégé, aimé.

Nous avons cheminé de pair

Sur le chemin des millénaires.

Pendant tout ce temps,

Il ne m’a jamais fait souffrir

Par plaisir.
Le Grand Esprit qui nous animait le guidait.

Nous étions de la Terre Mère

Une seule entité.

L’homme savait que rien ne lui appartenait,

Que tout était Don de Dieu,

Que tout être vivant méritait le respect.

J’offrais, comme mes frères, mon corps

Pour qu’il puisse se vêtir,

se nourrir,

encore et encore.

Il faisait parfois don du sien pour me défendre,

Pour que mes enfants puissent grandir,

Il faisait don de sa sagesse

Pour que ma race puisse se développer.

Nous allions côte à côte,

Heureux ou malheureux,

Ensemble, solidaires,

Membres à part entière

De la grande harmonie

De la Vie

De la Terre.

 

Que s’est-il passé ?
En quelques décennies,

L’homme, mon ami, mon frère

Est devenu fou.

Ivre de pouvoir,

Egoïste, malsain.

Sous le prétexte de manger,

S’habiller, se soigner,

Il s’est acharné sur nous.

En quelques années,

Sa race s’est octroyée le droit

De détruire les autres.

Désormais cruel, sanguinaire,

Raciste, esclavagiste,

Il vit de la souffrance

De millions d’innocents

Qu’il assassine dans une mer de sang.

Mes frères animaux

Sacrifiés dans d’horribles douleurs

Agonisent durant des heures,

Saignés à petit feu.

Leur regard implorant se vide peu à peu.

Ebouillantés vivants

Ils sont pelés, encore hurlant,

Massacrés sauvagement

Pour que d’autres s’habillent

D’un luxe à jamais vibrant de cruauté

Pour se mettre en beauté.

Pourquoi ?

La beauté véritable est dans l’âme,

Pas dans le meurtre que l’homme commet

Pour jouir d’un orgueil démesuré.

Frères animaux,

Si harmonieux, si beaux,

A jamais disparus,

Sacrifiés à tant de cruauté,

Vous dont la splendeur jamais plus

Ne vivra dans les sauvages étendues,

Mon cœur pleure pour vous.
En si peu d’années !

Pourquoi, pourquoi ?

Que s’est-il donc passé ?

Pourquoi une seule race s’arroge-t-elle le droit

De martyre et de mort sur les autres ?

Quand comprendra-t-elle qu’en agissant ainsi,

Quel que soit le prétexte invoqué,

Elle met en péril ses propres petits.
La soif de tuer ne s’arrête jamais,

C’est un cancer qui finit par ronger toute vie,

Même celle qui s’arroge le droit,

Sous couvert de connaissance

Et de science sans conscience,

De martyriser,

Empoisonner, tuer,

Inoculer la maladie

Pour soi-disant l’éradiquer.

La blouse blanche, aussi propre qu’elle soit,

Ne lui donne pas tous les droits.

La mort, aussi impassible qu’elle,

La guette au tournant de la vie.

 

Ils disent que nous, les animaux, n’avons pas d’âme.

S’ils ouvraient leurs yeux, ils nous verraient aimer.

S’ils ouvraient leurs oreilles,

Ils nous entendraient pleurer,

Souvent même sangloter.
S’ils ouvraient leur cœur,

Ils nous entendraient prier.

S’ils étaient restés humains,

Ils cesseraient leurs horreurs.

 

En quelques décennies,

Que s’est-il donc passé ?

Qu’a fait l’homme du Don d’Amour que l’Eternel lui a donné ?

 

Homes a écrit :

« L’homme est un loup pour l’homme ».
Ce n’est pas moi qui l’ai dit.

Je n’ai jamais pensé de mal du loup.

Le comparer à l’homme est l’insulter.
Il tue lorsqu’il doit se nourrir.

L’homme tue trop souvent par plaisir.

Qui l’oblige à faire souffrir

La chair dont il doit se nourrir ?

Sans parler des horreurs qu’il commet

Sous le prétexte de se vêtir.

Un loup jamais ne commettrait

De tels actes de cruauté.
Cessez donc, Mr. Homes, de les comparer.

En ces temps de sombre humanité,

Vous insultez l’animalité !

 

Je m’en vais,

Truffe baissée,

Désespéré,

Dans le vent, le froid,

Dans la nuit de la vie.

Mon maître, après m’avoir martyrisé,

Lâchement m’a abandonné.

Pourquoi ?

Dans ses moments de solitude,

J’étais à côté de lui,

Me laissant caresser.

Moi qui étais sauvage et libre,

Je me suis laissé apprivoiser.
Lorsqu’il m’a si souvent battu,

Jamais je ne l’ai mordu.

Il m’a tout pris, famille, amis,

santé, joie de vivre,

liberté, fierté, dignité.

Il ne m’a laissé que l’amour que j’avais pour lui.
Pourquoi ?

Parce que le Don de Compassion et d’Amour que Dieu m’a donné,

Jamais aucun humain ne pourra me l’enlever.

Du pauvre petit bout de cervelle charcutée

Qu’il me reste après avoir passé des années

Dans les cages des hommes en blanc

Qui tuent mes petits sous couvert de soigner leurs enfants,

Je ne peux faire qu’une chose,

Prier, sangloter, prier

Pour qu’un jour l’homme comprenne

Que, dans les siècles des siècles,

Tout s’inscrit dans l’âme immortelle,

Rien ne se perd,

Tout se paie,

Que ce qu’ils nous font subir aujourd’hui,

C’est à eux-mêmes,

Avec la même cruauté,

Que demain ils le feront,

Car le temps passe vite sur la roue de la vie,

Car humains et animaux pour la Terre un seul corps sont,

Qu’il en sera ainsi pour les siècles à venir,

Qu’à cette vérité

« Pas un Iota ne sera enlevé ».

A force de nous décimer,

Nous martyriser,

Avoir fait de nous leurs esclaves,

Leur souffre-douleur,

Pour leur égoïsme,

Leur orgueil,

Leur avidité,

Leur santé,

Nous, les enfants de Dieu au même titre qu’eux,

Bientôt leur corps n’aura plus rien à manger,

Leur âme plus rien à aimer,

La Terre dont ils se croient les maîtres

n’aura plus rien à leur donner.

Pourquoi tant de malheur ?

Pourquoi tant de sombres horreurs ?

Pour acheter un lopin de terre

Que l’homme de toute manière

Ne pourra jamais emporter

Lorsque sa mort viendra ?

Pour quelque monnaie éphémère 

Qui un jour entre les doigts

De tout’ façon lui glissera ?

Homme, mon ami,

Mon maître, mon frère,

Mon assassin,

Où et quand vas-tu t’arrêter ?

Lorsque tu auras fini de te tuer toi-même ?

Ce jour pourrait bien vite arriver,

Tu ne sais pas t’arrêter.

J’en souffre pour toi

Car je t’aime.

 

Je m’en vais,

Truffe baissée,

Désespéré,

Seul comme un chien,

Dans la nuit de la vie.

Mon maître, après m’avoir martyrisé,

Lâchement m’a abandonné.
Ce faisant, il s’est abandonné lui-même.

Je ne désespère pas de lui.
Je l’aime.

 

« Et je m’en vais, au vent mauvais qui m’emporte,

de ci de là, pareil à la feuille morte ». Verlaine.

Unanima, 2005
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